Fil de l'Être
C'est ma prof de français, détaillant son regard sur Les Années d'Annie Ernaux dans l'une de ses lettres, qui m' a donné envie de le lire.
A partir d'images immobiles (puis de films) qui ont figé sa personne dans un instant du temps, Annie Ernaux écrit une restrospective de sa vie, des années 40 où elle est née jusqu'à notre passé proche de l'année dernière. Une biographie en forme de liste -objets, faits et détails de vie- qui mêle l'intime et l'Histoire, qui fond l'individu dans une sorte de généralité sociale. Le temps qui passe irréversiblement. Un sentiment universel puisque ni d'être homme ni d'être plus jeune ne m'ont empêché de ressentir et retrouver mes propres émotions. Et le talent de l'écriture, d'un ton réaliste et juste.
Cependant, je n'ai pas mieux compris la guerre d'Algérie ou Mai 68 que dans les livres d'Histoire, comme quoi, pour certaines choses, rien ne remplace le vécu. On y voit pousser les banlieues, les autoroutes et les supermarchés, la publicité. Un engouement proche d'un fatalisme enjoué tel que je l'imaginais, dont je connais le prolongement. L'apparition de l'informatique domestique. Le rêve déçu de l'an 2000. La marque du 11 septembre 2001. L'euro. Le brouhaha des mémoires et du monde dans le flot d'informations auxquelles on a accès. "Il n'y avait pas de nom précis pour cette impression de se trouver à la fois dans la stagnation et la mutation" dit-elle des années de mon adolescence. C'est ce qui est mon sentiment d'aujourd'hui... Prosaïque, oui, me paraît le monde...
Je me suis "amusé" de découvrir que des choses que je croyais plus récentes étaient des "vieilleries" (le crédit Sofinco, la nocivité des produits ménagers).
J'ai été aussi stupéfait de retrouver des détails identiques dans mon enfance et la sienne (la Marie-Rose contre les poux). Je pense devoir cela à ma Maman, son enfance rurale, paysanne, que j'aime, car elle me donne une sorte de mémoire supplémentaire de ce pays.
Et la lecture de ce livre aussi...