Analyse Paysagère
J'ai enfin obtenu une réponse de
Monsieur le Maire de Bordeaux, très politicienne et peu satisfaisante
pour mes projets professionnels, réponse que je n'ai pas le droit de
divulguer.
On m'a donné quelques coups de pieds depuis la ferme de Paysan Heureux pour avoir des exemples d'intégration paysagère:
je m'y colle après les fêtes. Vous pouvez, néanmoins, faire appel à des
professionnels en attendant mes conseils, puisque ces intégrations font
l'objet de vrais métiers. Les Techniciens Supérieurs en Aménagement du Paysage sont les mieux formés. Fuyez les pépiniéristes qui ne chercheront qu'à vous vendre des végétaux de production indutrielle, standardisés et parfois néfastes pour l'environnement, et ne faîtes appel aux architectes-paysagistes que si vous avez du temps à perdre et beaucoup d'argent à dépenser...
Je poursuis mon petit programme d'Education au Paysage avec une présentation assez complète de l'Analyse Paysagère, opération préalable à tout aménagement, et qui, je pense, est accessible à tous. Il ne faut pas confondre l'Analyse avec l'Etude Paysagère, qui, elle, porte également sur une explication de l'évolution du paysage, à travers son histoire et des prévisions sur son devenir.
Ma présentation de l'Analyse Paysagère s'appuie sur des extraits synthétisés de Paysages, Aménagement et Protection, de J.C. Pamelard, chez M.A.T. Editeur,
où vous pourrez trouver des textes plus complets, d'autres schémas, des informations sur la règlementation du paysage et les
méthodes d'aménagement. Un livre dont je conseille la lecture à tous,
malgré beaucoup d'aspects très techniques.
Distinctions Sémantiques
. Voir le paysage:
C'est le recevoir par le sens de la vue. C'est notre oeil qui nous
pourvoit en "images objectives", par la suite décodées et enregistrées
par le cerveau.
. Percevoir le paysage:
C'est un processus beaucoup plus complexe qui met en jeu nos émotions,
les forces obscures de notre inconscient et l'ambiance culturelle dans
laquelle on baigne.
. Lire le paysage: Il s'agit de repérer ses grandes lignes de force en faisant la part entre l'Homme et ses activités et la Nature.
Approche Sensorielle
Lorsqu'on aborde un paysage, nos récepteurs sensoriels captent un certain nombre de messages véhiculés vers le cerveau pour y être interprétés. Parmi ces récepteurs, la vue
est la plus importante puisqu'elle représente 83 % des messages
sensoriels perçus par l'individu (et mobilisant 30 % des capacités du
cerveau). L'ouïe représente 11 %, l'odorat 5,5 %, le toucher 1,5 % et le goût 1 %.
Les
récepteurs sensoriels recueillent les informations et les convertissent
en signaux nerveux décodés par le cerveau, la mémoire innée et la
mémoire acquise permettent ensuite l'interprétation, aboutissant à un
jugement personnel.
La faiblesse des pourcentages accordés
par notre corps aux autres sens que la vue en découvrant un paysage ne
doit cependant pas les faire oublier: un aménagement de qualité
s'attachera donc à réduire l'impact des sources sonores désagréables
(écrans ou haies anti-bruit), à répandre des parfums agréables, et
proposer différentes textures pour la peau et le contact avec le sol
(fleurs, feuillages, matériaux), et proposer des petites choses pour la
bouche avec des plantes à fruits comestibles ou des plantes potagères
par exemple.
La vue restant le sens le plus sollicité, voici
quelques précisions: notre champ visuel total (binoculaire) est
d'environ 180° dans le plan horizontal et de 120° dans le plan
vertical. Les déplacements et mouvements de rotation de la tête sur son
axe nous permettent de découvrir un paysage en "panoramiques" et
"travellings" aboutissant à une observation de 360°.
Ceci nous conduit à l'analyse visuelle:
l'oeil effectue d'abord des "mises au points" en fixant successivement
les différents plans (rapprochés ou lointains), puis il parcourt le
champ visuel par une série de petits sauts et zigzags dans la scène
observée, il hiérarchise ensuite une série de points en fonction de
leur pouvoir attractif (couleur, forme...) dits points d'appel, et se
focalise enfin sur le point d'appel à la force attractive la plus
élevée, dit point focal.
L'analyse visuelle dépend donc des éléments regardés, mais aussi de la position de l'observateur, de la distance le séparant du paysage observé, de la durée d'observation, de son mouvement ou de sa staticité, ainsi que des conditions de lumière et de visibilité.
Une bonne analyse sensorielle débouche sur une carte des sensibilités, centrée sur la vision en différents points du paysage à aménager, afin de déterminer les zones les plus sensibles au regard, généralement situées autour des points d'appel et points focaux, en fonction d'éventuelles limites visuelles (relief, végétation...). Cette carte peut aussi présenter les différentes unités de paysage (bâti, bois, champs, routes...), les contrastes et les rythmes à mettre en valeur ou à minimiser.
Pour des petites échelles, les unités de paysage peuvent être des unités de fonction
(habitat, stockage, accueil, circulation...), et, dans ce cas, les
relations visuelles s'attacheront à faciliter la compréhension de ces
fonctions par des séparations adéquates.
Approche Subjective
Après
cette transcription technique du paysage, d'autres facteurs
interviennent sur l'interprétation et le jugement porté par un
observateur. Il s'agit principalement:
. de la Culture
de l'époque: à titre d'exemple, la Nature, au sens large, est
aujourd'hui pour les citadins un espace récréatif recherché, un lieu de
détente dans lequel on puise des "forces neuves", alors qu'elle a
longtemps été considérée comme un milieu inquiétant et dangereux.
. du Profil
de l'observateur: son âge, son niveau scolaire et intellectuel, son
milieu socio-culturel, sa profession, ses goûts, ses loisirs...
. des Conditions
d'observation: par exemple, l'observateur est en situation de travail,
vécu agréablement ou négativement, il est en période de loisirs, il est
seul ou en groupe...
Ces différents facteurs induisent la perception,
phénomène ou le paysage découvert suit un cheminenement complexe dans
notre réseau neurologique, où intervient aussi l'histoire de chaque
individu. En quelquesorte, le cerveau rêve le paysage transmis par les récepteurs sensoriels.
Pour saisir sommairement ce processus passionnant, voici quelques notions simplifiées de neurologie et de psychologie.
Dans
les circuits de la perception, si les fonctions logiques (langage,
raisonnement mathématique...) interviennent dans la découverte d'un
paysage, celle-ci sollicite majoritairement les fonctions liées aux
émotions et à la sensibilité artistique, amplifiées par les pulsions
dites "archaïques" telles que la faim ou la soif, la colère,
l'agressivité ou le sexe.
Chaque individu est animé par un
territoire dit "inconscient" de son esprit, dont une grande partie
s'est forgée durant son enfance et s'enrichit au cours du temps, et qui
s'exprime surtout dans les rêves.
La perception du paysage se
construit sur cet écran "inconscient", à partir de notre stock d'images
oniriques, comme un spectateur à l'écoute d'un conte de fées. C'est
pourquoi le paysage peut nous faire vibrer jusqu'à l'ébriété
intelectuelle, ou, à l'inverse, nous déprimer.
En Conclusion
L'Analyse Paysagère effectuée, les aménagements proposeront une juxtaposition de l'approche sensorielle et de l'approche subjective.
Ainsi, si l'intégration passe par une utilisation de matériaux et d'une
végétation le plus similaire possible à l'environnement, il ne faut pas
hésiter, dans un aménagement particulier, à placer judicieusement un
élément qui nous est propre, qui nous séduit, après avoir déterminé ce qui nous fait réagir positivement ou négativement dans un paysage.
Et,
pour s'assurer que chacun ressente du bien-être en un lieu, on peut
aussi s'appuyer sur les archétypes (images communes et symboles
universels) tels que la croix, le soleil, la tour, le totem, l'arbre...
reconnaissables par tous. Et ne pas oublier les autres sens que la vue...
Vous pouvez aussi consulter la définition de l'analyse paysagère donnée par Wikipédia.