Déclamé
Stephen King a des successeurs. Avec Peste, je découvre Chuck Palahniuk par la fin. Ce sera sans doute plus tard un milieu, et j'ai assez envie de lire un ou deux de ses romans précédents.
De la campagne profonde américaine, débile, à une époque indéfinissable, où sont décrites les moeurs étranges d'un jeune garçon, on le suit plus tard à la ville, comprenant alors que nous sommes dans un futur plutôt proche, et débile, comme l'Amérique est fort capable d'en produire. Les populations Diurnes et Nocturnes ont l'interdiction de se croiser, par exemple.
D'un début avec de nombreux airs de déjà vu, peut-être difficilement évitable dans un genre à la frontière Policier/Horreur/Science-Fiction, l'histoire se complexifie au fil des pages, crescendo jusqu'à la fin, touchant de nombreux champs.
La construction est intéressante, car on n'entre jamais dans la peau du personnage central. Il n'existe que par le regard des autres. En effet, il est raconté par une cinquantaine de "témoins" dont les brefs morceaux de discours s'entrecroisent, se coupent, se font écho ou se contredisent... (Imaginez que l'on ne conserve de votre blog que les commentaires extérieurs...).
On pourra trouver cela facile, car Palahniuk se dispense ainsi d'écrire une histoire cohérente, dont les rebondissement s'enchaîneraient de bout en bout. Il y a des trous, des scènes sans suite, c'est bancal. Mais pour moi, c'est un des intérêts majeurs de ce roman (le titre anglais original, Rant, est d'ailleurs bien meilleur). La littérature, après-tout, est elle aussi entrée dans le troisième millénaire. Il y a ainsi beaucoup de place laissée à la pensée du lecteur, son interprétation, son imagination comme sa propre logique. C'est d'ailleurs truffé de métaphores.
Le style est aussi un peu "toutes poutres apparentes": je dois me vendre, le lecteur doit tourner mes pages (c'est d'ailleurs un vendeur de voiture qui ouvre le roman, ce n'est pas sans ironie calculée). Ainsi, des passages un peu surfaits de citations et de justifications scientifiques viennent saupoudrer l'ensemble, histoire d'ajouter du crédit (et du méli-mélo) à l'histoire.
Prenant sans être captivant. Intéressant sous de nombreux angles. A condition d'aimer le genre d'aborder l'humain sous ses aspects les plus dérangeants. Pour moi cela permet toujours l'interrogation individuelle et la critique sociale, et là c'est assez réussi.