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Le Pays d'Olivier, l'Arbre et le Net
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20 septembre 2007

La Flèche

C'était la semaine dernière, une fin d'après-midi urbaine en solitaire. Rien que mes pas et le Soleil dans les ruelles bordelaises.
Comme souvent, j'arpente Saint-Michel, son ambiance populaire et exotique, et je débouche sur la place. La plupart du temps, je la longe sur un des côtés. Aujourd'hui je la traverse. Arrivé au droit du clocher, je le regarde, je lève les yeux sur lui. Les échafaudages ont enfin été enlevés. Et mon regard redescend sur l'entrée de l'escalier, du côté de l'église, mais un peu décalée.

J'hésite un instant. L'envie de partager cette découverte avec Seb me retient quelques secondes. Mais le moment me décide: par deux fois j'ai trouvé la porte fermée, aujourd'hui elle est ouverte. La ville est calme et le temps doux. Je me dirige vers la porte, et découvre le prix de l'accès à la tour: ce n'est "que" 2,5€ et je fais donc part au gardien de mon désir de monter. Il s'appelle Michel ! Et aime visiblement son monument, dont il me livre rapidement quelques secrets. Ainsi, avant de m'élever dans la flèche la plus haute du sud de la France, je descends dans la crypte sur laquelle elle s'élève. Jusqu'à la fin du XXè siècle, on pouvait y voir "les momies", des corps aux histoires torturées dont la décomposition a été freinée par l'atmosphère du lieu. Puis la municipalité bordelaise a décidé de les renvoyer dans l'oubli d'un cimetière. On peut voir aujourd'hui des photographies.

Puis j'ai gravi les marches. La première terrasse offre de belles vues sur les architectures cernant la place, panneaux explicatifs à l'appui. La salle occupant le centre de la tour présente l'histoire du monument. Je ne la pensais pas si riche: la flèche audacieuse s'est confrontée à des défis techniques, a essuyé une terrible tempête, a été menacée de destruction par Louis XIV et a aussi servi de relais pour le télégraphe de Chappe.

J'étais pris dans ma lecture quand ont sonné les coups de 17 heures (cinq coups, pas dix-sept !). Crétin ! Pourtant, le gardien m'avait dit qu'entre les deux terrasses, les cloches étaient visibles. Je me suis précipité pour monter en courant les marches suivantes, tandis que résonnait le doux carilon qui fait suite aux heures, mais il était terminé quand j'ai atteint la fenêtre ouverte sur le mécanisme. Je n'ai donc pas vu fonctionner les 22 cloches. Je les ai contemplé quelques minutes quand même.

Puis j'ai continué l'ascension. En haut, l'escalier débouche dans la salle sous la flèche proprement dite. Le cône évidé est impressionnant de hauteur, les motifs perçant la pierre renforcent l'effet d'une dentelle aérienne et d'un jeu de rayons de lumière.

Puis je suis sorti sur le petit balcon cernant la base de la flèche. L'architecture dévoile en fenêtres le panorama circulaire sur la Garonne et le périmètre du patrimoine mondial. L'urbanité de l'Homme...

Les masses du Grand Parc et de Mériadeck se détachent sur l'harmonie des vieilles pierres dominées par la Grosse Cloche et la tour rivale de Pey Berland, beaucoup moins haute, mais où l'on peut monter plus haut...

Entre les autres bâtiments et monuments comme points de repère, on devine le tracé des rues, les places et la multitude de cours intérieures, invisibles depuis les trottoirs. On rêve d'Histoire, le présent bouge, on imagine l'avenir, on s'interroge sur la lenteur et la rapidité de l'évolution. La vue sur les nouveaux quais et le miroir d'eau est un bonus ou un accroc...

Puis je nargue mon vertige en plongeant mes yeux à la verticale. Le plan de la place se révèle. Comme sur un tapis de jeu pour petites voitures, je m'attarde sur les douces tangences des intersections. Tous ces détails horizontaux imperceptibles d'en bas, quand le regard est attiré par l'imposante verticalité de la Flèche. D'ici, on voit tout autour les petits traits de couleur délimitant les emplacements du marché. Et les mouvements des piétons, ou des voisins sur leurs balcons. Etrange sensation... Est-ce que j'observe ou est-ce que j'épie ? J'embrasse du regard une foule de fragments de vie, passant...

Je m'attarde à détailler le petit manège des dealers de shit qui se met en place. Leurs codes, leur réseau d'observation de la place, leurs cachettes et leurs allées et venues... Si j'étais du côté des policiers, je saurais où me placer !

Je me suis abandonné une bonne demie-heure à la contemplation. En semaine, seuls cinq ou six autres visiteurs ont perturbé ma quiétude divine. Aucun ne s'est aventuré sur le balcon !

Et puis je suis redescendu dans la ville. Salué Michel, lui disant que je reviendrai. J'ai quelquechose à montrer à Seb, des cloches à voir fonctionner, et des photos à prendre... pour mes visiteurs à moi.

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